Slimane Azem est né en 1918, dans une famille de condition modeste au cœur des montagnes du Djurdjura. À l’âge de douze ans, il commence à travailler dans la ferme d’un colon. Il prend le chemin de la France en 1937 comme de nombreux kabyles à la recherche d’une vie meilleure. Il travaille alors deux ans dans une aciérie de Longwy, puis est mobilisé à Issoudun. Réformé en 1940, c’est dans la capitale qu’il s’installe et travaille dans le métro qu’il chantera plus tard dans ses complaintes sur l’exil. Réquisitionné pour le STO (Service du Travail Obligatoire), il connaît les camps de travail de la Rhénanie de 1942 à 1945.
De retour à Paris à la Libération, il tient un café dans le 15e arrondissement où il se produit pour la première fois. Une rencontre essentielle change alors le cours de sa vie : le célèbre Mohamed El Kamal, chanteur de l’immigration et spécialiste du jazz, le voit se produire, accompagné d’un petit orchestre amateur, et l’encourage à composer ses propres chansons. Il lui permet de faire ses premières scènes dans son groupe alors en tournée à la fin des années quarante. Après avoir enregistré sa première chanson « A Moh A Moh » en 1951, complainte sur l’exil adressée au poète kabyle Si Mohand u Mhand, Madame Sauviat, seule disquaire spécialisée de l’époque, le présente à Ahmed Hachlaf, directeur artistique du catalogue arabe de Pathé-Marconi. C’est le début d’une longue carrière. Inquiété par la censure pour sa chanson « Affagh aya jrad » (Sauterelles quittez mon pays !), il n’en est pas moins banni d’Algérie après 1962 pour ne pas avoir coupé les ponts avec sa famille, engagée auprès de la France pendant la guerre.
Ce drame personnel marque sa production musicale qui tourne autour de plusieurs thèmes : l’exil bien évidemment (A rebbi Kec D Amaiwen – Les oiseaux migrateurs) mais également la bonne morale (Berka yi tissis n ccrab – Que je cesse de boire du vin), la tradition ou la nostalgie (Algérie mon beau pays). À la même époque, il est à l’origine de nombreux sketchs comiques avec son comparse Cheikh Nordine comme dans Madame encore à boire ! chanté en français et en tamazight. Celui qui a rempli l’Olympia est considéré avec Cheikh El Hasnaoui comme le père de la chanson kabyle de l’exil. En 1971, il reçoit, en compagnie de la chanteuse Noura, le premier disque d’or remis à un artiste algérien en France. Au cours des années soixante-dix, il s’installe à Moissac et s’adonne à la culture de figuiers, bourgade qui lui rappelle sa Kabylie natale. Il meurt en janvier 1982, sans jamais avoir revu l’Algérie.